De nombreux fournisseurs Cloud avancent une promesse séduisante concernant la souveraineté européenne, mais souvent trompeuse : « Nos serveurs sont hébergés en Europe et nous utilisons le chiffrement. »
Si ces mesures représentent indéniablement des garanties de sécurité, elles restent insuffisantes pour assurer une véritable souveraineté numérique. Comme le souligne David Chassan, un élément essentiel est trop souvent oublié dans ce débat : le cadre juridique auquel obéit le fournisseur lui-même.
L’idée reçue la plus répandue consiste à croire que si vos données se trouvent physiquement sur le sol européen et sont chiffrées, elles échappent forcément à toute ingérence étrangère. Or, c’est faux. La véritable faille réside dans la juridiction légale du prestataire Cloud.
« Héberger ses données en Europe et les chiffrer ne signifie pas disposer d’une souveraineté réelle », insiste David Chassan. « Si votre fournisseur reste soumis au droit d’un autre pays, il peut être contraint de transmettre vos données à un gouvernement étranger, même si elles sont chiffrées. »
La souveraineté numérique : un enjeu juridique au-delà de la localisation et du chiffrement des données
- Les lois extraterritoriales : des textes comme le CLOUD Act américain (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) obligent les entreprises américaines – et leurs filiales à l’étranger – à fournir des données aux autorités des États-Unis, quel que soit l’endroit où elles sont stockées. Ainsi, une filiale européenne d’un groupe américain pourrait légalement être sommée de livrer des données, y compris chiffrées, hébergées à Paris ou à Berlin.
- Le poids de la juridiction : un fournisseur réellement souverain doit relever exclusivement du droit européen. C’est cette indépendance juridique qui garantit que toute demande d’accès aux données passe par les canaux légaux européens, et non par l’injonction directe d’un gouvernement étranger.
- Le chiffrement, un outil mais pas une garantie : le chiffrement est essentiel pour protéger les données, qu’elles soient stockées ou en transit. Mais il ne constitue pas un bouclier absolu face à la contrainte légale. Un fournisseur soumis à une législation étrangère peut être tenu de remettre à la fois les données chiffrées et les clés de chiffrement, annulant ainsi toute protection.
« C’est pourquoi la juridiction légale et le contrôle du fournisseur comptent davantage que l’emplacement des serveurs ou la robustesse du chiffrement », conclut David Chassan.
La véritable prise de conscience, pour beaucoup, est que la souveraineté numérique n’est pas seulement une affaire technique : c’est avant tout un enjeu juridique.